En 6e dépister
l’élève à besoins particuliers sévères, n’est souvent pas nécessaire ; les
collègues ou les parents nous auront
informés. Les évaluations classiques (ROC, lecture rapide, attitudes,
observation des premières productions…) nous permettrons de le confirmer tout
en faisant apparaître ceux qui ont des troubles plus légers dont le pourcentage
(de 3 à 15%) pourra varier selon les
classes et les établissements. Nous mettrons en place ou vérifierons que des
procédures d’identification et prise en charge (PAI, PPS…) soient en place.
Nous pourrons aussi par la diffusions des invariants auprès de nos collègues et
une incitation à la bienveillance : lutte
contre la constante macabre… créer un climat plus favorable à la prise en
charge souhaitée.
Mais où sont donc les coins,
qui une fois enfoncés permettront, dans le cadre de la classe de français, de
faire progresser nos élèves en difficulté sans nuire aux progrès des autres,
tout en restant dans la conformité du programme.
Le travail sur la posture à
travers le théâtre et la mise en jeu du corps est essentielle car elle conduit
à une production du récit à travers le ressenti, l’approche d’une œuvre
littéraire par le débat (voir la séquence autour de Stupeur et tremblements)
travaillé en groupe, le travail sur la fluence ou l’utilisation de logiciels
spécifiques (ELSA, Lirebel diagnostique et Lirebel remédiation, La malle au
Mots…)… tout cela est fort bien, mais il
n’est pas sûr que ce soit essentiel et j’irais même plus loin, je me demande si
nous ne construirions pas quelquefois sur du sable !
La littérature sur le comment lire et le comment écrire
est très riche et je ne parle même pas du comment bien orthographier ou
maîtriser les fonctions. Je vous invite
à la lecture de certains numéros de l’ANAE (Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant, N° 116 et
118) qui bien que d’une approche ardue quelquefois fait un point régulier sur
les recherches actuelles.
On retiendra de l’ensemble des
pistes dessinées par les dernières thèses que la qualité de la perception
morphosyntaxique reste le point essentiel sur lequel bloquent nos élèves.
Observez le résultat des élèves au test de morphosyntaxe, à une dictée sur les
erreurs lexicales suivie d’une dictée sur les erreurs syntaxiques, et à un
petit questionnaire sur la nature des mots et vous constaterez la corrélation
des résultats.
Peut-on dire que l’école
n’enseignant plus vraiment ce b.a. ba.
grammatical débordée qu’elle est par bien d’autres exigences, serait à
l’origine de l’augmentation apparente des dys. et de la difficulté de
nombreux élèves à accéder à la lecture savante et à l’écriture ? Je ne suis pas
loin de le croire. C’est pourquoi j’invite les dys. courageux à faire du latin (comme le conseille de
nombreux chercheurs). C’est en se confrontant à cette langue flexionnelle mais transparente que l’enfant comprendra sa
langue configurationnelle. Dans le même ordre d’idée on commencera la sixième
par un travail sur la poésie tout en insistant sur la morphologie (découpage)
des mots mais surtout sur l’aspect musical : rimes, assonances,
allitération, travail sur les syllabes, opposition sourdes/sonores par exemple…
il est impératif de remettre l’API (alphabet phonétique international) à
l’ordre du jour. Il faut jouer avec les mots et surtout jouer avec les sons,
les lettres. On pense aujourd’hui que l’acquisition du lire/écrire passe par
une étape syllabique après l’étape d’identification des graphes. La méthode
globale fut-elle donc une erreur ?
Enfin, on pourrait
affirmer que c’est parce que l’enfant ne
perçoit pas la nature d’un mot, qu’il butte sur le sens du texte mais aussi sur
sa production et son orthographe. L’acquisition de cette conscience morphosyntaxique
passe par une démarche métacognitive qu’il est bien difficile de mettre en
œuvre dans le cadre de la classe, ce qui sera plus facile pour le thérapeute.
Toutefois avec un peu de pragmatisme, on peut cheminer sur cette voie.
Je distribue aux élèves dès le
début de l’année une page recto-verso contenant les 900 mots du vocabulaire de
base (ils constituent 80% des mots que nous employons) où apparaît aussi la
nature de chaque mot (une version couleur plastifiée est distribuée aux dys.
qui peuvent l’utiliser à tout moment et dans toutes les matières comme dictionnaire
orthographique), un tableau sur les différentes catégories grammaticales et
enfin un tableau orthographique présentant la typologie des erreurs (voir zone
de téléchargement). Au milieu de l’année, une fois que les élèves
auront travaillé sur les aspects phonologiques sur les liens syntaxiques
(sujet/verbe, nom/adjectif…), je vais leur demander de s’approprier cette base
qui sera divisée en 10 blocs. On travaillera un bloc par semaine : on
découvre la nature des mots par surlignage, les difficultés lexicales ou
flexionnelles de certains mots. Les élèves sont ensuite invités à composer, seuls
chez eux ou en groupe en classe, un texte cohérent d’une centaine de mots sur
un sujet de leur choix contenant a-minima 30 mots venant du bloc étudié. Le
jour venu, nous parlons un peu des productions des uns et des autres. Les
élèves choisissent un des textes qui est donné en dictée. Nous passons ensuite
à la correction en distinguant les types d’erreurs… L’orthographe est notée en
%. Bien sûr on n’hésite pas, pendant la dictée, à laisser les binômes (bon/dys)
collaborer. Dans la dictée on soulignera certains mots dont on demandera la
nature (Nom, Pronom, Verbe, Adjectif/Déterminant, ADVerbe, Préposition,
Conjonction de Coordination, Conjonction de Subordination). C’est bien sûr 2 H par semaine sur 10
semaines consacrées à ce travail. Mais le résultat est spectaculaire pour les
bilexiques (c’est plus discutable pour les dys. profonds) même si la démarche
peut apparaître un peu artificielle. Elle a aussi le mérite de transférer ce
qu’on peut faire dans un cabinet d’orthophonie à l’échelle de la classe.
On peut aussi s’amuser à faire
construire avec cette base de 900 mots des dominos construits sur la catégorie
grammaticale des mots. Un travail sans doute utile en aide personnalisée.
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