samedi 23 mars 2013

La conscience morphosyntaxique




En 6e dépister l’élève à besoins particuliers sévères, n’est souvent pas nécessaire ; les collègues  ou les parents nous auront informés. Les évaluations classiques (ROC, lecture rapide, attitudes, observation des premières productions…) nous permettrons de le confirmer tout en faisant apparaître ceux qui ont des troubles plus légers dont le pourcentage (de 3 à 15%)  pourra varier selon les classes et les établissements. Nous mettrons en place ou vérifierons que des procédures d’identification et prise en charge (PAI, PPS…) soient en place. Nous pourrons aussi par la diffusions des invariants auprès de nos collègues et une incitation à la bienveillance : lutte contre la constante macabre… créer un climat plus favorable à la prise en charge souhaitée.
Mais où sont donc les coins, qui une fois enfoncés permettront, dans le cadre de la classe de français, de faire progresser nos élèves en difficulté sans nuire aux progrès des autres, tout en restant dans la conformité du programme.
Le travail sur la posture à travers le théâtre et la mise en jeu du corps est essentielle car elle conduit à une production du récit à travers le ressenti, l’approche d’une œuvre littéraire par le débat (voir la séquence autour de Stupeur et tremblements) travaillé en groupe, le travail sur la fluence ou l’utilisation de logiciels spécifiques (ELSA, Lirebel diagnostique et Lirebel remédiation, La malle au Mots…)…  tout cela est fort bien, mais il n’est pas sûr que ce soit essentiel et j’irais même plus loin, je me demande si nous ne construirions pas quelquefois  sur du sable !
La littérature sur le comment lire et le comment écrire est très riche et je ne parle même pas du comment bien orthographier ou maîtriser les fonctions. Je vous invite  à la lecture de certains numéros de l’ANAE (Approche Neuropsychologique  des Apprentissages chez l’Enfant, N° 116 et 118) qui bien que d’une approche ardue quelquefois fait un point régulier sur les recherches actuelles.
On retiendra de l’ensemble des pistes dessinées par les dernières thèses que la qualité de la perception morphosyntaxique reste le point essentiel sur lequel bloquent nos élèves. Observez le résultat des élèves au test de morphosyntaxe, à une dictée sur les erreurs lexicales suivie d’une dictée sur les erreurs syntaxiques, et à un petit questionnaire sur la nature des mots et vous constaterez la corrélation des résultats.
Peut-on dire que l’école n’enseignant plus vraiment  ce b.a. ba. grammatical débordée qu’elle est par bien d’autres exigences, serait à l’origine de l’augmentation apparente des dys. et de la difficulté de nombreux élèves à accéder à la lecture savante et à l’écriture ? Je ne suis pas loin de le croire. C’est pourquoi j’invite les dys. courageux  à faire du latin (comme le conseille de nombreux chercheurs). C’est en se confrontant à cette langue flexionnelle  mais transparente que l’enfant comprendra sa langue configurationnelle. Dans le même ordre d’idée on commencera la sixième par un travail sur la poésie tout en insistant sur la morphologie (découpage) des mots mais surtout sur l’aspect musical : rimes, assonances, allitération, travail sur les syllabes, opposition sourdes/sonores par exemple… il est impératif de remettre l’API (alphabet phonétique international) à l’ordre du jour. Il faut jouer avec les mots et surtout jouer avec les sons, les lettres. On pense aujourd’hui que l’acquisition du lire/écrire passe par une étape syllabique après l’étape d’identification des graphes. La méthode globale fut-elle donc une erreur ?
Enfin, on pourrait affirmer  que c’est parce que l’enfant ne perçoit pas la nature d’un mot, qu’il butte sur le sens du texte mais aussi sur sa production et son orthographe. L’acquisition de cette conscience morphosyntaxique passe par une démarche métacognitive qu’il est bien difficile de mettre en œuvre dans le cadre de la classe, ce qui sera plus facile pour le thérapeute. Toutefois avec un peu de pragmatisme, on peut cheminer sur cette voie.
Je distribue aux élèves dès le début de l’année une page recto-verso contenant les 900 mots du vocabulaire de base (ils constituent 80% des mots que nous employons) où apparaît aussi la nature de chaque mot (une version couleur plastifiée est distribuée aux dys. qui peuvent l’utiliser à tout moment et dans toutes les matières comme dictionnaire orthographique), un tableau sur les différentes catégories grammaticales et enfin un tableau orthographique présentant la typologie des erreurs (voir zone de téléchargement).   Au milieu de l’année, une fois que les élèves auront travaillé sur les aspects phonologiques sur les liens syntaxiques (sujet/verbe, nom/adjectif…), je vais leur demander de s’approprier cette base qui sera divisée en 10 blocs. On travaillera un bloc par semaine : on découvre la nature des mots par surlignage, les difficultés lexicales ou flexionnelles de certains mots. Les élèves sont ensuite invités à composer, seuls chez eux ou en groupe en classe, un texte cohérent d’une centaine de mots sur un sujet de leur choix contenant a-minima 30 mots venant du bloc étudié. Le jour venu, nous parlons un peu des productions des uns et des autres. Les élèves choisissent un des textes qui est donné en dictée. Nous passons ensuite à la correction en distinguant les types d’erreurs… L’orthographe est notée en %. Bien sûr on n’hésite pas, pendant la dictée, à laisser les binômes (bon/dys) collaborer. Dans la dictée on soulignera certains mots dont on demandera la nature (Nom, Pronom, Verbe, Adjectif/Déterminant, ADVerbe, Préposition, Conjonction de Coordination, Conjonction de Subordination).  C’est bien sûr 2 H par semaine sur 10 semaines consacrées à ce travail. Mais le résultat est spectaculaire pour les bilexiques (c’est plus discutable pour les dys. profonds) même si la démarche peut apparaître un peu artificielle. Elle a aussi le mérite de transférer ce qu’on peut faire dans un cabinet d’orthophonie à l’échelle de la classe.
On peut aussi s’amuser à faire construire avec cette base de 900 mots des dominos construits sur la catégorie grammaticale des mots. Un travail sans doute utile en aide personnalisée.

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