samedi 23 mars 2013

Travailler les postures en français



Le discours psychologique parle à 11 ans , d’un passage de l’âge concret à l’âge abstrait (plus de performance). Toute une série de modifications physiologiques (gainage de myéline pour les neurones…) en sont à l’origine. Nous avons souvent l’impression que, par exemple en grammaire, nos élèves de 6e n’en ont pas fait à l’école. C’est faux, bien sûr ! Ils n’ont simplement pas pu mémoriser ce qui reste de l’abstraction et qui plus est passe pour une accumulation indigeste. Si les programmes de primaire pouvaient s’en tenir à l’identification de la nature des mots… ce serait parfait pour nos dys.
Autre élément important, l’enfant, ce « pantin », va commencer à couper les fils dans sa recherche d’autonomie. Il va passer d’un stage où il était le jouet à celui où il cherche il veut trouver son autonomie et sa liberté. Relisons Pinocchio. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est toujours dans une posture égocentrée. Or, une nos problématique est de le faire passer dans le récit du JE au IL. S’il est capable à la lecture d’être sensible à l’aventure du héros, de s’identifier, il lui est très difficile de créer une posture qui autorise une distanciation qui sorte du jeu. On est là dans la même problématique que celle évoquée par Diderot dans le Paradoxe du comédien : il faut s’habiller du personnage tout en ayant la capacité de se regarder jouer. Cette difficulté de certains enfants à s’imaginer autre est à la base de l’échec du processus d’écriture. Quand on est autocentré, il est difficile de comprendre qu’on écrit pour un autre, un lecteur, et que cela suppose des descriptions, des dialogues, de la cohérence…
J’ai un jour fait appel à Béatrice Machet, non pas seulement parce qu’elle était poétesse et spécialiste des contes amérindiens mais parce qu’elle était danseuse, sur un atelier de 6 fois 1H30. Elle pouvait donc comprendre que je voulais que la création poétique pour cette classe de 6e  passe par le corps. Que le corps soit à l’origine de « l’engrammation ». Je me plaçais souvent  en retrait pour observer la dizaine d’élèves de la classe dysquelquechoses.
Les 26 élèves ont occupé une salle vidée de tout objet. Ils ont appris à marcher  de différentes manières, à éprouver des sensations, à les nommer : tendre, tirer, crisper, étirer, équilibrer, se pencher, se dandiner… plus on connaît les forces qui traversent notre corps plus on est libre… à chacun de se constituer un personnage, de le jouer. Exercice difficile car vous verrez les plus inquiets se cacher, chercher à imiter le voisin… Ici quand il s’agira ensuite de décrire sur le papier le personnage créé, on aura une vraie richesse… quelquefois. Quand à l’intérieur de chaque groupe il fallait faire revivre le personnage décrit par le voisin, les élèves ont pu percevoir l’écart qui peut exister entre ce que je vis, ce que j’écris et ce qui est perçu.
Un autre exercice, habituel dans le travail théâtral, consiste à se mettre en cercle et à se passer un objet, à le transformer et à le glisser à son voisin. Les élèves en difficulté vont souvent observer les autres, voir leur inquiétude monter, simplifier l’objet qui devient souvent un ballon. Il faut plusieurs tours pour que chacun entre dans un processus créatif où l’on tient compte de ce qu’on reçoit pour le transformer et où on prend en compte le destinataire.
On a ensuite demandé à chaque groupe de travailler un pastiche Autour du poème d’ALAIN BOUDET
Toujours à Naviguer / entre le poisson du berger et l’étoile d’avril  /Mouette entremetteuse / raconte-moi encore / le mariage de la vague et du nuage.
Pour obtenir par exemple :
Toujours à courir / Entre la terre et la lune / Discovery l’entremetteuse / Raconte-moi encore /le mariage des hommes et des étoiles.
Demander aux élèves de réaliser à l’écrit la même démarche permet de les conduire à une démarche métacognitive plus performante, liée au ressenti. La conscience posturale et proprioceptive est ce sur quoi on voit le plus de progrès dans l’aide aux dys . Voir la démarche de B. Sauvageot ou du Dr Quercia.
D’autres exercices furent mis en place avec cette volonté de toujours lier le corps et l’écriture jusqu’à obtenir une écriture vraiment longue où l’imaginaire était riche mais pas gratuit. Comment voulez-vous faire ressentir ce qu’on ne vous a pas appris à sentir. J’ai souvent remarqué que les élèves en difficulté avaient une dominante kinesthésique  et combien ils trouvaient leurs marques dans ces exercices. Se mettre en théâtre avec une classe, pour jouer ou pour écrire, c’est se confronter à l’autre, comprendre qu’on ne joue pas ou qu’on n’écrit pas pour soi mais pour les autres. Sortir de soi et en donner le meilleur ! 

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